Qu’est-ce que l’Évangile ?

Par Alain Nisus, professeur de théologie systématique à la faculté évangélique de Vaux sur Seine

L’annonce de l’Évangile est l’une des missions principales de l’Église. Mais à l’heure du pragmatisme, l’erreur fréquente qui guette les chrétiens est d’attacher plus d’importance aux résultats et aux méthodes qu’au contenu de l’Évangile.

 

« Ça marche, donc c’est bon ! ». En situation de minorité, l’intérêt des chrétiens pour « le chiffre », les statistiques ou encore pour la croissance de l’Église, risque de leur faire transformer subrepticement l’Évangile en thérapie du bien-être ou en quête d’accomplissement personnel, plus conforme aux aspirations contemporaines.

Celui qui annonce l’Évangile doit se faire tout à tous et donc chercher des passerelles afin de communiquer le message avec pertinence et efficacité. Mais ce désir de rencontrer l’interlocuteur dans son contexte et sa situation a parfois eu pour résultat l’aplatissement du message confié : on annonce alors un «évangile» anthropocentrique destiné à la satisfaction des besoins et aspirations des auditeurs.

Le prédicateur de l’Évangile, pour être fidèle à sa mission, doit avoir suffisamment confiance en Dieu et croire que l’Évangile, dont il est le serviteur, est la puissance de Dieu qui ouvre les portes du salut à tous les hommes (Rm 1.16).

Mais qu’est-ce que l’Évangile ? Quel est son contenu ?

Un événement et sa proclamation

L’Évangile est à la fois un événement et la proclamation de cet événement.

L’événement, c’est l’initiative de Dieu qui, par grâce et par amour pour nous, a accompli dans l’histoire sa promesse de salut, en donnant son Fils Jésus-Christ. L’Évangile, c’est que notre créateur nous aime et ne nous abandonne pas à notre triste sort : par la vie, la mort et la résurrection de son Fils, il accomplit objectivement notre salut. À la croix, Jésus a subi à notre place le châtiment de nos fautes. Par sa résurrection, il est vainqueur du péché, de la mort, du diable. Par son exaltation, il est à la droite de Dieu et il intercède pour nous.

L’Évangile c’est la proclamation des actes rédempteurs de Dieu. L’insistance sur la dimension historique du message montre bien que l’Évangile n’est pas une spéculation intellectuelle, une philosophie, une « sagesse », une idéologie, un mythe. L’Évangile est la proclamation et l’explicitation d’une série d’événements historiques, liés à Jésus-Christ1. Dieu, dans la personne de son Fils, a donné sa vie pour le salut du monde. Jésus, et lui seul, a porté le péché du monde, et cela fait de lui l’unique sauveur pour tous les hommes et en tous les temps. C’est la raison pour laquelle l’apôtre Pierre, après avoir posé l’audacieuse affirmation « le salut ne se trouve en aucun autre », explicite comme suit : « car il n’y a sous le ciel aucun autre nom donné parmi les humains par lequel nous devions être sauvés » (Ac 4.12). Ainsi, la communication chrétienne n’est pas encore la proclamation de l’Évangile, tant que l’entière vérité concernant Jésus n’a pas été présentée. Il ne suffit pas de présenter Jésus comme quelqu’un de bien, d’attirant, comme un sage, un philanthrope, un maître de spiritualité, un prophète puissant : il faut présenter son œuvre de salut et en expliciter la signification rédemptrice.

L’insistance sur le contenu de l’Évangile permet de situer les expériences spirituelles. Elles ont leur place dans la proclamation comme illustration de l’agir de Dieu dans des vies actuelles, mais si bouleversantes soient-elles, elles ne doivent pas avoir la priorité. Ce sont les événements historiques liés à Jésus et le sens qu’en donne le Nouveau Testament qu’il s’agit d’expliciter. Compte tenu de l’ignorance de la population en ce qui concerne l’histoire, la doctrine, l’éthique bibliques, l’évangélisation doit avoir une dimension d’enseignement (2 Tm 1,11). Elle doit communiquer un certain nombre d’informations et en donner le sens2.

Promesses et discipulat

L’Évangile c’est non seulement la proclamation et l’explicitation des actes rédempteurs de Dieu, mais c’est aussi l’annonce des promesses actuelles du Christ ressuscité : quiconque se repent de ses péchés et met sa foi en Jésus obtient le pardon des péchés et le don du Saint-Esprit. C’est par la foi que l’on s’approprie des bénéfices du sacrifice accompli par Jésus-Christ. Celui qui croit est affranchi de l’esclavage du péché ; une relation nouvelle s’instaure entre Dieu et lui. Une vie nouvelle commence pour lui, le Saint-Esprit le régénère, change son cœur de pierre en cœur de chair et le conduit à mener une vie agréable à Dieu.

L’Évangile c’est aussi l’appel au discipulat. Il ne s’agit pas seulement de confesser Jésus comme Sauveur, mais encore comme Seigneur. Il faut croire l’Évangile et aussi vivre l’Évangile. En effet, si l’Évangile est la bonne nouvelle annonçant aux pécheurs la grâce imméritée de Dieu en Jésus-Christ, il comporte aussi ses exigences spirituelles, éthiques, comportementales, ecclésiales, etc. Accueillir l’Évangile, c’est devenir un disciple de Jésus ; c’est aussi devenir un membre du corps du Christ : l’Évangile débouche sur la communauté nouvelle, prémices de la nouvelle création.

De nombreux textes bibliques proposent un résumé de l’Évangile. Jean 3.16 est bien connu : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, pour que quiconque met sa foi en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle ». Tite 2.14, plus détaillé, mérite d’être cité : « Elle s’est manifestée, la grâce de Dieu, source de salut pour tous les humains. Elle nous apprend à renier l’impiété et les désirs de ce monde, et à vivre dans le temps présent d’une manière pondérée, juste et pieuse, en attendant la bienheureuse espérance et la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus-Christ. Il s’est donné lui-même pour nous, afin de nous rédimer de tout mal et de purifier un peuple qui soit son bien propre et qui se passionne pour les belles œuvres. »

C’est ce message qu’il convient d’annoncer et d’expliciter avec enthousiasme, audace, finesse et sagesse.

1 Voir J. BUCHHOLD, L’évangile : un message honteux ?, Farel/G.B.U, Marne-la-Vallée, 2005, p. 18ss.

2 Voir A. NISUS (s. dir.), Pour une foi réfléchie. Théologie pour Tous, Romanel-sur-Lausanne, Maison de la Bible, 2011.

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