Dans un premier article, nous avons étudié l’opposition entre riches et pauvres faite par Luc dans les passages propres à son évangile. Aujourd’hui, nous allons voir l’utilisation que Jésus fait de ces deux états.
Deux états bien pratiques
Même s’il y a bel et bien opposition, le but de Luc n’est pas de magnifier les pauvres pour diaboliser les riches. Les choses sont un peu plus compliquées. Il y a selon nous trois buts méthodologiques à cette antagonisme.
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Radicalité
Il faut d’abord dire que l’emploi de positions antithétiques colle très bien avec les paraboles : comme toute image, elles demandent des personnages caricaturaux, aux oppositions marquées qui rendront la leçon plus facilement marquante et mémorisable.
Luc veut aussi montrer dans cet antagonisme qu’il n’y a pas de demie-mesures, de position tiède en ce qui concerne le Salut : soit on est riche, soit on est pauvre – soit on est sauvé, soit on est perdu ! Ceci est d’ailleurs très souvent associé à un retournement de situation assez spectaculaire. La leçon à en retenir, c’est que la logique humaine n’est pas toujours respectée : le Messie-Roi arrive chez des pauvres, les riches vont avoir faim, des pauvres sont conviés à un délicieux festin, le riche est au final quelqu’un qui est maudit et le pauvre Lazarre est au final quelqu’un de béni.
Cette radicalité encourage donc les auditeurs à la vigilance à propos des valeurs terrestres et à la décision de changer de vie.
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Parcours initiatique
Les paraboles du fils prodigue (Lc 15), de l’intendant infidèle et du riche et du pauvre Lazarre (Lc 16) nous montrent toutes un personnage qui, une fois dépourvu de tout, comprend la vraie valeur des choses, le vrai sens de la vie et réagit : le fils prodigue comprend où se trouve son bonheur et revient chez son Père, l’intendant infidèle comprend que son intérêt est d’être assez malin pour se faire employer chez les clients de son ancien maître, le riche comprend qu’il a fait fausse route pendant toute sa vie et tente de faire prévenir ses frères toujours en vie.
Dans ces paraboles, le dénuement sert de parcours initiatique, d’électro-choc pour qu’une prise de conscience ait lieu. Prise de conscience à propos de quoi ? À propos de la valeur de l’argent et surtout de son utilité.
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Exhortation à changer de point de vue face à l’argent
Dans Lc 3.10-13 Jésus encourage à faire ce qui est juste, que ce soit dans le domaine du social ou de l’impôt. Aider l’autre, ne pas l’enfoncer, c’est ce qui était déjà demandé par la loi de Moïse. Jésus ne fait que reprendre les exhortations des prophètes à respecter les prescriptions de « régulation sociale ». Dans Lc 12.13-15, Jésus ne va pas dans le rôle de juge de paix qu’on veut lui assigner : il répond plutôt par une mise en garde contre un amour, une confiance excessive envers l’argent. L’argent n’est qu’un moyen, pas une fin. Dans Lc 14.12-13, Jésus encourage son hôte à exercer la générosité la plus pure qui soit en donnant à ceux qui ne pourront jamais rien lui rendre : toujours la justice sociale !
Finalement, une société comme Jésus la préconise – qui ne prend pas Mamôn pour dieu et qui répartit justement les richesses – réduira considérablement la fracture qui existe entre riches et pauvres !
La prochaine fois, nous terminerons notre étude en décollant vers les valeurs célestes décrites par Jésus.