Jérémie 7 : Scandale au temple !

609 avant Jésus-Christ, les fidèles s’amassent aux abords du temple de Jérusalem pour venir adorer l’Éternel. Soudain, un homme se met à proclamer un message qui ne va laisser personne indifférent !

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LES THÈMES DU MESSAGE

  1. Le bafouement de l’Alliance

Quand on sait que Jérémie s’adresse à des gens pieux, qui veulent adorer l’Éternel, il est assez paradoxale de constater que celui-ci les accuse de violer la loi de Moïse. En effet, même s’ils continuent de se rendre au temple, au v.6 ils oppriment les faibles en contradiction avec Dt 10.18-19, au v.9 ils semblent désobéir à la majorité des 10 commandements, au v.18 on voit que l’ensemble de la famille participe à l’idolâtrie, aux vv.21 à 24 ils sont infidèles autant sur la forme (21-22) que sur le fond (23-24) et enfin aux vv.30-31 on découvre plus en détails leurs abominations païennes.

D’une certaine manière le peuple restait « fidèle » à l’Éternel… à ce détail près que Celui-ci exigeait une relation exclusive, un monothéisme strict et non un hénothéisme (un dieu principal entouré d’autres dieux) tiède. La religiosité n’est rien sans l’obéissance aux prescriptions divines.

  1. Le temple comme talisman

Ne méconnaissant pas la Torah, les Judéens considéraient à juste titre le temple comme la maison de Dieu, l’arche de l’alliance dans le lieu Très-Saint comme son trône sur terre. Mais ils comprenaient cela de manière littérale, ce qui débouchait inévitablement sur une croyance superstitieuse qui transparaît au v.4 et qui pourrait être résumée ainsi : « tant qu’il y aura le Temple, rien d’irréversible ne pourra nous arriver car Dieu ne peut pas détruire sa propre demeure. » On pourrait facilement imaginer que ce raisonnement était accompagné par la comparaison avec le funeste destin de leurs frères d’Israël qui, ne possédant ni de véritable sanctuaire ni de roi bien né, avaient été déportés un siècle plus tôt. Cependant au v.15 Jérémie leur affirme que malgré leur roi de descendance davidique et le Temple de Jérusalem, ils ne sont pas différents d’eux. Mais le principal argument du prophète pour dissiper les illusions de ses contemporains, c’est le sanctuaire de Silo (v.12) qui abritait l’Arche du temps de Samuel. À cette époque, les Philistins l’emportaient contre Israël car l’idolâtrie était déjà présente et les fils du Grand-Prêtre Éli étaient corrompus. Au lieu de se remettre en question, les Israélites ont combattu avec l’arche croyant que cela leur porterait bonheur.

Pourtant, contrairement à leurs attentes, l’arche fut kidnappée par les ennemis qui remportèrent une nouvelle victoire et détruisirent probablement la ville Silo.

Et il faut ajouter que celui qui rappelle l’histoire est très concerné par elle : très probablement descendant d’Éli, Jérémie aurait dû être Grand-Prêtre. Mais il a été victime de sa malédiction (1 Samuel 3.11-13) via la déchéance d’Abiatar relégué à Anatoth (1 Rois 2.27).

Les exemples historiques de Silo, d’Ephraïm ainsi que l’exemple personnel de Jérémie démontrent que Dieu n’a aucun scrupule à faire table rase quand cela est nécessaire et donc que personne n’est à l’abri de son courroux. 

  1. Le châtiment inévitable

Le message de Jérémie est pour le moins pessimiste car il ne fait pas de menaces mais des prédictions : Jérusalem subira le sort de Silo (v.14), Juda celui d’Ephraïm (v.15), absolument tout sera dévasté (v.20) et c’est une vision d’horreur qui conclut le sermon (vv.32-33). 

Il ne faut pourtant pas croire que ce jugement quelque peu extrême serait dû à un « coup de sang » incontrôlable de la part de Dieu. C’est le bilan de 6 siècles d’infidélité ininterrompue de la part de son peuple malgré l’intervention régulière des prophètes pour redresser la barre (vv.25-28). C’est parce que le châtiment est sûr que Jérémie est appelé à ne pas « se fatiguer » à intercéder (v.16).

Jérémie fait ici office de procureur et de juge et il n’est pas étonnant que son discours ait reçu des échos si négatifs. Le chapitre 26 nous décrit les menaces de mort qui ont pesé sur lui. Voici les raisons pour lesquelles il n’a pas été entendu.

LES RAISONS D’UNE MAUVAISE RÉCEPTION 

  1. Contre un système

Les versets 7-8 et 11 du chapitre 26 donnent l’identité des premiers opposants à Jérémie : ses « collègues » les prêtres et les prophètes. La raison de leur ire est elle aussi aussi précisée : il prophétise contre le temple et Jérusalem. On comprend donc que la croyance superstitieuse du lieu-saint porte-bonheur n’est pas qu’une dégénérescence populaire mais émane directement des autorités religieuses. Bien sûr, celles-ci peuvent s’appuyer sur l’Histoire pour garantir le bien-fondé de leur doctrine : Dieu ne peut pas « dés-élire » le peuple qu’il a choisi, il ne peut pas détruire la cité de David, il ne peut pas raser sa résidence sur terre ! Pourtant, Deutéronome 28 ou Lévitique 26 stipulent de telles possibilités en cas de transgression de l’Alliance. Donc soit ils ignorent la Loi moins de 15 ans après sa redécouverte lors des réformes de Josias prouvant ainsi de manière éclatante leur inutilité, soit ils pensent que l’hénothéisme ambiant permet « d’avoir la moyenne » devant Dieu et de sauver les meubles. Toujours est-il que les autorités du temple ne voient pas de problème dans l’idolâtrie ambiante, ce qui est conforme aux paroles déjà prophétisées du temps de Josias (Jérémie 1.18, 2.8, 2.26, 4.9). Jérémie lutte contre un système religieux qui convient à tout le monde, dans lequel personne ne perd… si ce n’est Dieu. 

Dans ce contexte la peine capitale requise contre le prophète était finalement assez logique car il pouvait être accusé soit de blasphème, soit de sédition.

  1. Situation géopolitique préoccupante

Quand on est à un moment charnière de son histoire, on apprécie peu les rabats-joie et autres oiseaux de mauvaise augure. Pris en étau entre deux puissants blocs, les dirigeants de Juda ont choisi de miser sur l’aura millénaire des Égyptiens contre la puissance montante et menaçante des Babyloniens. La prophétie de Jérémie semble dire que cette alliance ne saurait être un bouclier efficace alors qu’humainement parlant elle semble être la seule planche de salut. Il faut donc faire taire toute parole qui pourrait induire une baisse de moral pour le peuple… et contre-dire les décisions du roi dévoué aux Égyptiens ! Pourtant le véritable suzerain des Judéens, Celui qui les protège depuis des siècles c’est l’Éternel. Mais comme on le verra plus tard avec les hésitations permanentes du roi Sédécias ou l’attitude des notables après l’assassinat de Guedalia (41-42), la peur empêche de penser rationnellement, d’écouter la voix de la sagesse et pousse aux tractations en tous genres. Israël n’a jamais été de taille pour jouer un rôle géopolitique majeur (Deutéronome 7.7) mais on imagine aisément les descendants de David et Salomon vouloir rééditer les exploits de leurs illustres ancêtres. Josias avait peut-être cette idée en tête en allant combattre le pharaon Néko à Meggido, juste après avoir « reconquis » une partie d’Israël… mais ce fut un échec cuisant puisqu’il fut tué. Alors si le roi fidèle a échoué, à combien plus forte raison ses fils impies.

  1. Problème de transmission

Selon Deutéronome 13, un des critères pour juger une prophétie c’est son accord avec les révélations qui l’ont précédée. Dieu étant toujours le même, il ne change pas d’avis. Bizarrement, les prêtres et prophètes, sûrement aveuglés par l’horreur de la vision d’un temple détruit, n’ont pas l’air de se rappeler de la prophétie de Michée qui va dans le même sens que celle de Jérémie. Au v.18, ce sont des « laïcs » qui font office de sages. Pourquoi les ministres ont-ils encore en mémoire des paroles prononcées 130 ans plus tôt, du temps d’Ézéchias ? Probablement parce qu’ils font partie des partisans de Jérémie qui a dû les enseigner à ce sujet. Et surtout il y a parmi eux les enfants de Shaphân qui était secrétaire de Josias. Celui-ci avait accès aux archives et surtout il a dû entendre l’histoire de la repentance d’Ézéchias de la bouche même de son arrière-grand-père.

Finalement, cet épisode montre qu’il y a tout simplement deux camps : celui des fidèles à l’Éternel qui protègent et aident Jérémie (26.24) et celui des ignorants et des rebelles qui n’écoutent pas les prophéties et la Loi. Bref, c’est comme d’habitude une question de Péché et de dureté de cœur (18.12). L’histoire se répétera 6 siècles plus tard quand Jésus condamnera « la caverne de voleurs » qu’était devenu le temple de Zorobabel/Hérode qui sera finalement détruit par les babyloniens de son époque : les romains.

PERTINENCE DU SERMON POUR NOUS

  1. Hénothéisme ordinaire

Aujourd’hui les idoles ne sont plus en bois ou en pierre mais technologiques, sentimentales et elles entretiennent toujours des rapports étroits avec le sexe, l’argent, le pouvoir ou l’égoïsme. On les considère souvent comme des passe-temps, des choses secondaires mais si on comptait le temps, l’argent ou l’énergie qu’on leur consacre et si l’on comparait tout cela à notre investissement pour l’avancement du Royaume de Dieu, il se pourrait qu’on les voit telles qu’elles sont : des concurrents très sérieux au Seigneur. Mais voilà, nous voulons gagner sur tous les tableaux et l’engagement à l’Église devient un loisir comme les autres… à la différence près qu’il nous donne bonne conscience. Au lieu de progresser vers la perfection en nous consacrant pleinement au service de Jésus, nous optons souvent pour la stratégie de la compensation : maintenir le Péché à un niveau acceptable, raisonnable jusqu’aux actions spirituelles et religieuses qui l’effaceront de notre conscience. Finalement nous instrumentalisons Dieu presque autant que les Judéens… sauf que nous, nous sommes sensés vivre les promesses de Jérémie 31

Dans une société où le plaisir personnel règne en maître absolu et où l’on peut se livrer à toutes sortes de vices sans être vu, il est très difficile pour les chrétiens d’être pleinement cohérents entre ce qu’ils professent le dimanche et vivent le reste de la semaine.

  1. Les travers magiques

Les chrétiens peuvent facilement tomber dans des travers superstitieux, privilégiant la forme sur le fond. À la question « comment rendre à Dieu un culte agréable ? », beaucoup auront des répondre très tranchées, absolutisant leurs pratiques. La prière devra se faire de telle manière, à tel moment, les chants devront se chanter dans tel recueil et les différents temps de culte devront se faire dans tel ordre et avec telle ambiance. Si les choses ne se font pas comme ils en ont l’habitude, ils ne sont plus « dans la présence de Dieu », « ça a coupé leur adoration » ou encore « ce n’est pas biblique » (= selon les passages qu’ils privilégieront). Pendant le culte, on verra même certains prendre un timbre de voix, des postures ou des paroles qu’ils n’ont jamais l’habitude de prendre… ce qui n’échappe pas à leurs proches qui remarquent l’hypocrisie ! Encore pire, le rapport au pasteur : avoir son approbation c’est avoir Dieu avec soi, obtenir qu’il prie pour un problème c’est la garantie d’être béni !

La liberté gagnée en Christ est toujours aussi difficile à vivre que du temps des galates ou des colossiens et se transforme assez rapidement en un nouveau légalisme teinté de mysticisme. 

  1. Dénoncer le Péché

En bon prophète, Jérémie dit des choses désagréables à entendre. Son discours sans concession pose la question du contenu des prédications lors des cultes ou de la qualité des rapports fraternels. Osons-nous interpeler nos frères et sœurs pour qu’ils changent réellement ou nous contentons-nous du statu quo, de la paix sociale ? C’est un défi d’aborder tous les sujets, de mettre parfois le doigt où ça fait mal, de dire la vérité dans l’amour en prenant le risque de déclencher une réaction. S’encourager les uns les autres, s’édifier mutuellement, prêcher tout le conseil de Dieu, c’est le travail « normal » des chrétiens matures. Pourtant, par peur des conséquences ou parce qu’on ne s’estime pas meilleur que les autres (à juste titre), on hésite à le faire. Mais c’est oublier le caractère explosif que doit avoir l’Évangile, l’aspect prophétique que doit avoir la prédication et les bienfaits restauratifs des rapports fraternels non superficiels.

Dans l’Église tout le monde perd à se contenter du médiocre.

  1. Dieu laxiste ?

Le jugement sur Juda doit faire réfléchir les chrétiens car s’ils sont pardonnés en Jésus, ils auront quand même à répondre de leurs actes lors de son retour. Et même s’ils n’auront pas à redouter l’étang de feu, il devront tout de même affronter le regard de Celui qui est mort pour eux tandis qu’on énumèrera leurs fautes (Ap 20.12-13) ! Dans une nouvelle création où le mensonge (et donc la mauvaise foi) n’existe plus, quelle tristesse de voir tous ces moments où l’on n’a pas rendu gloire au Seigneur.

Notre compréhension de la grâce a ce merveilleux avantage de ne pas faire de nous des enfants sans cesse effrayés de recevoir une punition mais elle nous pousse aussi à vouloir faire plaisir à notre Père Céleste. Ce devrait être une superbe motivation pour nous ! Mais comme ce n’est pas toujours le cas, notre Père nous laisse parfois assumer pleinement les conséquences de nos actes pour nous éduquer et nous rappeler qu’en dehors de Lui nous ne pourrons trouver de bonheur durable. Parce qu’il nous aime, Dieu nous fait parfois mal pour extirper le Péché qui nous est si cher. Car il le déteste tout autant que sous l’Ancienne Alliance.

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