Par David Brown, pasteur et ancien SG des GBU
Une analyse de ce terme dans le Nouveau Testament semble troublante à première vue. En effet, un certain nombre de textes utilisent le verbe « sanctifier » au passé :
À l’Église de Dieu qui est à Corinthe, à ceux qui ont été sanctifiés en Jésus-Christ (1 Corinthiens 1.2)
Et c’est là ce que vous étiez, quelques-uns d’entre vous. Mais vous avez été lavés, mais vous avez été sanctifiés, mais vous avez été justifiés au nom du Seigneur Jésus-Christ, et par l’Esprit de notre Dieu. (1 Corinthiens 6.11)
En revanche, d’autres textes envisagent la sanctification dans le contexte d’une mise en œuvre de notre salut :
Car Dieu ne nous a pas appelés à l’impureté, mais à la sanctification. (1 Thessaloniciens 4.7)
Recherchez la paix avec tous, et la sanctification, sans laquelle personne ne verra le Seigneur. (Hébreux 12.14)
Il y a par conséquent une certaine tension évoquée par ce mot. Pour désigner les croyants, le terme que l’on trouve le plus fréquemment dans le Nouveau Testament s’avère être « les saints » … et cela se comprend dans l’optique du regard porté par Dieu sur les chrétiens. Il nous voit comme à travers le sacrifice de Jésus, pardonnés donc « saints ». Cependant, tant que nous sommes dans ce monde, notre combat consiste à réduire l’écart entre cette réalité éternelle et la réalité de notre vie vécue dans ce monde.
C’est là où se situe la tentation de réduire cette tension en la ramenant à des dimensions que nous pouvons vivre, à des dimensions que nous pouvons mesurer. Cela semble hors de notre portée de vivre comme Dieu nous le demande car Il est saint, c’est-à-dire « autre », séparé de tout péché, de tout mal. Et pourtant, dans la loi de Moïse, nous lisons : « Vous serez saints car je suis saint, moi, l’Éternel, votre Dieu » (Lévitique 19.2). Et l’apôtre Pierre reprend ce texte : « En effet, il est écrit : ‘Vous serez saints car moi, je suis saint’ » (1 Pierre 1.16).
Il est tellement difficile d’assumer cette tension que, de tout temps, les croyants ont cherché à la réduire en limitant la sanctification à des interdits. Dans un sens, cela n’est pas faux : plusieurs des Dix Commandements sont exprimés en ces termes ! Mais une petite anecdote permet de saisir à quel point l’essentiel de la vie chrétienne est ailleurs. Il y a quelques années j’ai participé à un dialogue entre chrétiens et musulmans. Le principal représentant de l’islam a commencé la soirée avec une proposition : « Pour gagner du temps, commençons par ce qui est le plus important : qu’est-ce qui est interdit dans nos religions ? ».
L’apôtre Paul condamne cette approche légaliste qui consiste en interdictions : « Pourquoi (..) vous soumettez-vous à toutes ces règles : ‘Ne prends pas ! Ne goûte pas ! Ne touche pas !’ (…) Il s’agit bien là de commandements et d’enseignements humains ! » (Colossiens 2.20-22. Mais comment penser autrement la sanctification, le changement de notre comportement ? Les textes qui nous demandent d’être saints comme Dieu est saint nous met sur la bonne piste. Il faut ressembler à Dieu. Et pour que cela soit plus concret, cela revient à ressembler à Jésus. Quel est le plan de Dieu ? « Ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi prédestinés à devenir conformes à l’image de son Fils » (Romains 8.29)
« Dieu est amour » (1 Jean 4.8) et Jésus indique que le premier de tous les commandements, c’est que nous devons aimer Dieu de tout notre être et, deuxièmement, aimer notre prochain comme nous-mêmes. Cependant il est évident qu’il est impossible de mesurer l’amour, et par conséquent de constater facilement si on progresse en sanctification. Une deuxième anecdote illustre ce constat. Cette fois-ci il s’agissait d’un dialogue avec des Témoins de Jéhovah. Ils m’ont dit qu’il faut « mériter » le salut. Face à mon questionnement sur la manière d’y arriver, ils n’ont fait que citer des interdits : « on ne fume pas, on ne boit pas d’alcool » et ainsi de suite. Mais quand j’ai cité les paroles de Jésus sur l’amour du prochain, ils étaient déconcertés et ils sont restés sans argument. Comment savoir si on a suffisamment aimé ?
Comment alors vivre la sanctification en temps réel aujourd’hui ?
D’abord, il s’agit de chercher à sortir de l’égoïsme naturel que nous vivons depuis notre plus jeune âge et qui n’est extirpé que peu à peu par l’action du Saint-Esprit qui produit son fruit en nous. En un mot, notre désir doit nous pousser à aimer notre prochain (et d’abord nos frères et sœurs en Christ), à nous intéresser aux personnes de notre entourage, à les écouter, à chercher à leur faire du bien. Cela dit, dans un monde où les tentatives de manipulation se multiplient, il est important de savoir que c’est à chaque chrétien de choisir comment aimer en évitant que ses actions soient dictées par les autres.
Ensuite, il faut rester sur le soubassement de la grâce. Il en découle que cela nous libère de la culpabilité car Dieu nous a pardonné en Christ. Nous pouvons chercher à faire le bien sans arrière-pensée parce que ce bien ne contribue en rien à notre salut.
Enfin, il est légitime de se demander pourquoi Dieu nous a donné des commandements. Il me semble que c’est pour nous empêcher de mal raisonner sur l’amour du prochain. Nous sommes tous sujets à nous faire des illusions concernant nos actes et nos motivations. Dans ce sens la loi sert de garde-fou. Ou pour changer un peu la métaphore, alors que nous sommes sur la route de la vie, la loi sert de glissière de sécurité. Normalement, conduit par l’Esprit, nous n’en avons pas besoin. Mais en cas de dérapage, elle sert pour nous éviter une sortie de route.




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