Peut-on espérer changer le (climat du) monde ? Comment rester actifs alors que les espoirs d’amélioration sont si minces ? 

Par Rachel Calvert, présidente de A Rocha France

« Vouloir agir contre le changement climatique est illusoire, voire arrogant. Les enjeux nous dépassent, et ce que nous pouvons espérer accomplir n’est qu’une goutte dans l’océan. N’est-il pas mieux de mettre nos efforts dans des projets qui peuvent faire une réelle différence ? L’évangélisation, par exemple, et le discipulat ? »

Une question de cohérence

L’Évangile de Jésus Christ change des vies. Si nous proclamons haut et fort que « Jésus est Seigneur » et « Jésus sauve » mais cela ne change rien à notre manière de vivre dans le monde, il y a clairement un problème ! Nous disons croire dans un Dieu créateur, un Dieu qui a déclaré sa création « très bon » (Gn. 1.31) et qui en prend soin (Ps. 104). Cette terre lui appartient et il nous a confié la responsabilité de la cultiver et la garder (Gn. 2.15). Nous croyons à la responsabilité humaine devant Dieu ; nous croyons aussi à la réalité du péché, à la possibilité de la repentance et de la rédemption. En Christ, ce qui a été brisé et abimé par le péché sera restauré et renouvelé.

Si nous prétendons croire tout cela, tout en vivant comme si cette terre était simplement une ressource à exploiter, comme si nous n’avions aucune responsabilité pour les conséquences de nos actions pour les autres habitants de la planète, il y aura un manque de cohérence criant. Aimer Dieu et aimer notre prochain, c’est aussi nous préoccuper de l’impact de nos choix. 

La Bible ne nous dictera pas les meilleures solutions techniques pour effectuer la transition énergétique, ou le modèle de société qui nous permettra de combiner sobriété et équité. Tout comme les autres citoyens, les chrétiens sont appelés à utiliser les capacités de réflexion et de collaboration que Dieu nous a confiées. Les choix individuels auront leur place ; les choix collectifs également. Sciences et techniques, sciences sociales et politiques, arts et littérature, philosophie : dans tous ces domaines nous avons besoin de chrétiens qui sont prêts à mettre leur talents au service de leur prochain face au défi climatique et à l’effondrement de la biodiversité.

Parmi les chrétiens qui nous ont précédés, certains ont su « discerner les temps » et répondre à l’appel de Dieu pour agir en cohérence avec l’Evangile, face aux problèmes systémiques de leur époque (la santé, l’éducation, l’abolition de l’esclavage, les conditions dans les prisons1…). La crise écologique dans sa globalité, et le dérèglement climatique en particulier, sont d’une importance capitale pour notre génération et les générations qui nous suivront. S’il n’est effectivement plus possible d’arrêter les dérèglements en cours, les décisions prises aujourd’hui et demain peuvent néanmoins soit limiter, soit aggraver l’étendue des dégâts2. Nous savons aussi qu’en matière de consommation d’énergies fossiles, le scénario « business as usual » va au contraire aggraver les inégalités et l’instabilité à tous les niveaux. En tant que disciples de Jésus, la souffrance qui en découle ne peut pas nous laisser indifférents.

Engagement écologique et vie de disciple

Le niveau de consommation qui paraît « normal » pour beaucoup de chrétiens occidentaux aujourd’hui est insoutenable dans la durée. En tant que société, nous ne pouvons pas continuer à abîmer les sols, à piller les océans, à épuiser les ressources minérales comme nous le faisons aujourd’hui : nous sommes simplement face aux limites d’une création finie. Dieu seul est infini ; nous sommes des créatures qui vivent dans un monde créé avec des limites. Une des multiples façons de concevoir du péché tout au long de la Bible est le non-respect des limites que Dieu, dans son amour, a posées pour l’être humain.

Une certaine sobriété fait partie de la vie normale du disciple. Selon l’apôtre Paul, la grâce de Dieu nous enseigne à «à renoncer à l’impiété et aux convoitises mondaines, et à vivre dans le siècle présent selon la sagesse, la justice et la piété, en attendant la bienheureuse espérance, et la manifestation de la gloire du grand Dieu et de notre Sauveur Jésus Christ. » (Tite 2.12) A chacun de nous de réfléchir devant le Seigneur, sur comment cela devrait se concrétiser en temps de crise climatique.

En quoi espérons-nous ?

Dans la tradition catholique, certains prient Sainte Rita ou Saint Jude, patrons des causes perdues. Face aux actualités climatiques, je vous encourage plutôt à prier Jésus, celui en qui, par qui et pour qui toutes choses en été créés ! Notre espérance ultime ne se situe ni dans l’innovation technique ni dans la résilience du « système Terre ». Nous mettons notre espoir en Dieu, créateur des cieux et de la terre, et en son fils Jésus, qui reviendra juger les vivants et les morts. Le climat n’est pas une cause perdue : Jésus fera toutes choses nouvelles. Mais nous ne savons pas quand, et entre temps il nous a appelés à dépendre de lui et à être de bons intendants. 

En conclusion : comme nous disons souvent à A Rocha, nous agissons :

  • Par amour : car nous aimons Dieu, à qui cette création et ses systèmes complexes appartiennent. Et nous aimons notre prochain, qui en dépend pour sa survie et son épanouissement.
  • Par obéissance : car Dieu a confié à l’être humain la tâche de « cultiver et garder » cette belle création. La confiance en Dieu ne se traduit pas par la passivité, mais par la soumission joyeuse à ses commandements.
  • Par souci de justice : car ce sont souvent les plus pauvres qui sont les plus impactés par le changement climatique.
  • Par responsabilité : car l’être humain, créé à l’image de Dieu, est responsable devant lui. Dans sa souveraineté, Dieu a créé cet univers de façon à ce que nos actes aient réellement des conséquences.

1On pourrait citer Jean-Fréderic Oberlin, Elisabeth Fry, William Wilberforce ou John Bost, parmi beaucoup d’autres.

2https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/documents/20250_4pages-GIEC-2.pdf , consulté le 05/02/2025

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *