Jetez vos vieilles chaussettes ou les vertus dans le Nouveau Testament

Par Pierre Leray, Coordinateur Régional des GBU en IDF

La question des vertus a occupé de nombreux penseurs au cours des âges. Les vertus sont-elles un impératif éthique universel que tout humain a le devoir d’accomplir ? Ou faut-il devenir un autre homme pour être vertueux ? Qu’est-ce que la vertu ? Ce n’est qu’au début du premier siècle de notre ère que la réponse est venue.  

Le Nouveau Testament regorge d’appels à mener une vie vertueuse. Il établit même des listes de vertus qui, bien que leur fonction rhétorique soit différente selon les cas et leurs formes variées, offrent un concentré de ce qu’est une vie vertueuse. On peut même la résumer avec une seule vertu présente dans presque toutes les listes : l’amour.

 Plusieurs vont même souligner que l’amour est la vertu reine de toutes les autres. Les vertus d’1 Corinthiens 13.4-8 sont non pas celles du croyant mais les vertus même de l’amour. En 2 Pierre 1.5-7, l’amour est le sommet d’une progression de vertu. Dans Colossiens 3.12, alors que l’amour n’est pas présent dans cette liste qui les présente comme un vêtement dont le croyant est appelé à se revêtir, Paul souligne son importance deux versets plus loin où il reprend son exhortation à se revêtir, cette fois, d’amour en le présentant comme la ceinture qui fait tenir tous les autres vêtements. L’amour est la vertu qui fait tenir toutes les autres ensemble. 

Les croyants n’étaient pas les seuls à s’intéresser aux vertus qu’il était essentiel de vivre et de nombreux philosophes ont, eux aussi, dressé leurs listes qui parfois ressemblent aux listes chrétiennes. La liste de Tite 2.12 est ainsi composée de trois des quatre vertus cardinales de Platon. 

Si Paul parlait des idoles athéniennes comme des tâtonnements vers le seul véritable Dieu (Actes 17.27), on peut certainement élargir ce tâtonnement à la recherche de vertus. De sorte que les non croyants ont une idée de ce que peut être une vie vertueuse et ne sont pas des monstres hostiles à toute bonne chose. À l’opposé, on retrouve aussi de nombreuses listes de vices opposées aux vertus qui sont associées à la manière païenne de vivre et représentatives d’un monde déréglé et hostile à Dieu. 

Les croyants mènent donc leur vie au milieu d’un ensemble disparate de personnes plus ou moins vertueuses. Chaque situation devient alors un défi. Le mode de vie chrétien peut être en décalage complet avec celui des autres, il suscite incompréhension, peur, rejet, hostilité. Mais au milieu de personnes déjà assez vertueuses, comment être lumière ?

Cette question est d’autant plus pertinente pour nous qui vivons dans une société postchrétienne qui a été fortement influencée, voir modelée, par les valeurs chrétiennes. On a même une belle liste comme devise : liberté, égalité, fraternité. Ces valeurs sont parfois reprises en étant complètement dévoyées, mais on peut aussi trouver beaucoup de gens mènent des vies qui ne sont pas ostensiblement différentes de celles des chrétiens.

La réponse nous est donnée par la vertu reine. Nous sommes invités à vivre ces vertus de manière radicale et intégrale en aimant nos amis et nos ennemis comme Dieu nous a aimés en donnant son Fils. Car c’est bien lui qui donne le la de l’amour en étant lui-même la source et le modèle de toute vertu. 

Pour vivre de manière vertueuse, le croyant est donc placé devant une injonction assez exigeante : être parfait comme Dieu est parfait. Pour Paul, le point de départ d’une vie vertueuse passe par une vie fondamentalement orientée vers Dieu grâce au sacrifice de son Fils et la transformation qu’opère le Saint Esprit. Christ devient même le modèle d’homme vertueux sur lequel les croyants sont renouvelés (Colossiens 3.10). Les vertus sont alors présentées comme les caractéristiques d’une vie nouvelle donnée par Dieu qui va remplacer l’ancienne vie marquée par de bien trop nombreux vices. Ceux-ci ne sont pas simplement des indicateurs de comportement mauvais mais constituent des rappels de ce qui faisait leur vie d’avant (Colossiens 3.7). Bien que ces comportements persistent dans la vie du croyant un peu comme les vieilles chaussettes trouées qui traînent au fond du placard, c’est L’Esprit-Saint qui fait le tri. Il est lui-même cité au sein de plusieurs listes de vertus. En particulier celle de Galates 5.22 qui présente toute la liste de vertus comme un fruit de l’Esprit, une conséquence de l’Esprit qui agit au sein du croyant. Cet agir de l’Esprit est mystérieux, subjectif, propre à chaque croyant. 

Mais la manière dont le croyant doit agir, elle, n’est pas un mystère : dans le contexte de ces listes, on trouve de nombreuses exhortations à des efforts pour vivre ces vertus. Elles sont parfois dites en toute simplicité : « comportez-vous » Éphésiens 5.9, « mettez-le en pratique » (philippiens 4.9) avec par endroit une notion d’apprentissage « entraîne-toi à rester attaché à Dieu » (1 Timothée 4.7) « nourrissez vos pensées » (Philippiens 4.8) enfin la discipline est régulièrement soulignée : efforce-toi (1 Timothée 4.12), « recherche ardemment » (1 Timothée 6.11), « Fais tous tes efforts » (2 Timothée 2.22) qu’on retrouve également dans 2 Pierre 1.5. 

Ce dernier texte marque bien ce qui paraît constituer un paradoxe. Dans les v. 3-4 la vie du croyant est rendue conforme au caractère de Dieu par grâce et par sa puissance. C’est un don de Dieu qui fonde d’exhortation à faire tous ses efforts. 

Au final, les vertus chrétiennes sont à la croisée du devoir et de la grâce. Elles sont des dons de Dieu que le croyant peut s’efforcer de mettre en pratique. Cette vieille prière n’a alors jamais perdu de son actualité « Donnez ce que vous ordonnez et ordonnez ce que vous voulez ». 

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