Le Millénium dans tous ses états (1) : Introduction

LA FIN DU MONDE ! Jésus va revenir et il va juger les vivants et les morts. Où ? Quand ? Comment ?

Il y a quelques décennies, les évangéliques polémiquaient vivement au sujet des différentes théories autour de ces questions, c’est-à-dire au sujet de l’Eschatologie (la doctrine des choses de la fin). De nos jours, l’atmosphère s’est quelque peu détendue, car la plupart sont d’accord sur le fait que les divergences touchent à des questions secondaires, l’important est d’être d’accord sur le fait que Jésus va revenir, et avec lui, le jugement, la résurrection et la nouvelle création, youpi ! Mais toujours est-il que ces divergences subsistent.

Sommaire de la série

Je vais, dans cette suite d’article, exposer les grands traits des quatre manières de comprendre le millénium. Mais tout d’abord je vais aussi essayer de mettre en évidence les enjeux sous-jacents aux différentes théories. Il ne s’agit pas simplement de décrire ces quatre théories mais aussi de comprendre pourquoi, certains en sont venus à comprendre un même passage de telle ou telle manière.

Un passage au cœur du débat

Le mot « millenium » désigne le règne de mille ans de Jésus-Christ que Jean évoque dans l’Apocalypse (Ap 20.1-5). Mais ce passage est interprété1 de différentes manières. On se demande à quelle réalité correspond concrètement ce règne et quand aura-t-il lieu ? Est-ce un règne terrestre, dans un pays, à une époque donnée ou est-ce un règne spirituel ? Est-ce une réalité à venir ou déjà présente ? C’est un passage difficile à interpréter dans un livre difficile à comprendre. Je vais présenter les quatre interprétations principales mais il y a moultes variations et versions de ces schémas. Une telle multiplicité de lectures antagonistes devrait nous inciter à la plus grande circonspection plutôt que de défendre mordicus telle interprétation.

Du dur labeur de comprendre

Même si l’on est d’accord sur la base suivante : « les écritures sont inspirées et infaillibles », on peut aboutir à quatre interprétations (et plus) assez différentes d’un même texte. Et cela, pas seulement parce que le texte en lui-même est difficile à comprendre mais aussi parce on n’y applique pas toujours la même herméneutique, c’est-à-dire, l’art d’interpréter les textes. Car oui ! Qu’on en ait conscience ou non, on utilise des principes pour guider notre compréhension du texte. Les désaccords d’interprétations vont souvent être discutés mais les principes qui nous ont conduits à telle interprétation sont rarement mis en lumière et questionnés ce qui peut aboutir à des quiproquos cocasses. Par exemple, les 1000 ans sont-ils littéral ou une longue durée symbolique ?

Ce qui est écrit dans l’Écriture doit nécessairement être interprété de manière littérale. Ce qui est écrit dans l’Écriture doit être interprété de manière littérale sauf si c’est impossible. C’est le genre littéraire du texte qui tranche entre littéral et symbolique. C’est l’intention de l’auteur qui permet de décider. C’est le lecteur qui choisit ce qui le touche le plus. Tout est symbolique dans l’Écriture. Alors quelle(s) règle est la bonne ?

Interpréter l’apocalypse

En plus des principes d’interprétations générales qu’on utilise, il y a différentes façon de comprendre le livre de l’Apocalypse. En gros, on distingue traditionnellement quatre façons de l’interpréter :

Prétériste / Contemporaine

Jean s’adresserait, avant tout, à ses contemporains (les Églises d’Asie Mineure) qui se trouvent dans une situation de persécution intense et douloureuse. Ce qui est décrit, de manière un peu « codée », dans le livre se serait alors essentiellement accompli du temps de Jean, à l’exception des chapitres 21&22. Pour les générations d’après, ce qui est annoncé aurait simple valeur d’exemple.

  • Qu’en penser ?

L’Apocalypse est une vision de l’histoire bornée par deux grands événements : la première venue de Jésus avec la croix (« et je vis un agneau égorgé ») et son retour avec le jugement dernier et la nouvelle création. Le livre a une portée plus large que la situation des contemporains de Jean. Cependant, il ne faut pas non plus oublier qu’effectivement Jean s’adresse d’abord à ses contemporains avec un message d’encouragement face aux persécutions qui est appuyé par l’ensemble du livre.

Chronologique / Historiciste

Jean annoncerait l’histoire du monde de l’ascension de Jésus jusqu’à son retour de manière suivie et chronologique. Beaucoup ont alors cherchés à décoder l’histoire à la lumière de l’Apocalypse pour savoir où l’on se trouve dans l’Apocalypse.

  • Qu’en penser ?

Avec à peu près autant d’interprétations différentes que d’interprète et sans aucun consensus nous sommes avertis du risque considérable de se planter avec une telle approche.

Mais surtout, si on regarde l’Apocalypse, il n’est pas sûr que le livre ait une chronologie si linéaire que ça. Par exemple, dans Ap 12, il est question d’une femme poursuivit par le dragon qui donne naissance à « celui qui doit diriger toutes les nations avec un sceptre de fer », en gros Jésus et donc l’auteur opère un sérieux retour en arrière dans le temps. Si l’Apocalypse offre bien une certaine vision de l’histoire, ce n’est pas une vision linéaire.

Futuriste

C’est l’inverse de la version prétériste. À partir du chapitre 4 (ou 2 selon les versions), Jean annoncerait avant tout le retour de Jésus et les événements qui le précèdent immédiatement, qui sont donc encore (peut-être) dans un future plus ou moins lointain pour nous.

  • Qu’en penser ?

D’un côté, il est clair que Jean annonce le retour de Jésus et que l’ensemble de ce qui est développé dans le livre a une forte coloration de fin des temps. Cependant, l’allusion sus-citée à la naissance de Jésus dans Ap 12, montre que la perspective temporelle du livre est plus large que le seul retour de Jésus.

Idéaliste / Symbolique

L’Apocalypse n’annonce pas particulièrement d’événement historique, mais elle explique comment Dieu régit le monde en général par des images et des symboles. On explique ainsi, les catastrophes régulières qui ponctuent l’histoire comme des jugements de Dieu.

  • Qu’en penser ?

L’Apocalypse fait un usage abondant d’images et de symboles, ce qui est explicité dès le début : « les chandeliers sont les anges des sept églises », Ap 1.20. Ces symboles sont essentiellement tirés de l’Ancien-Testament sur lequel il faut donc se baser pour les décoder. Cependant, ce n’est pas parce qu’il y a une forte présence d’éléments symboliques qu’il faut déconnecter le livre d’une trame historique.

Bilan

Ces différentes approches ont un intérêt mais, prises telles quelles, elles ne rendent pas compte de toutes les subtilités du livre. L’Apocalypse est futuriste mais pas exclusivement. Elle a une chronologie mais peut-être pas aussi précise qu’on se l’imagine. Elle utilise des symboles mais jusqu’à quel point ? Si on relativise chacune de ces interprétations, on arrive à quelque chose de pas trop mal.

Quelques clefs de compréhension

En bonus, voici quelques clefs de lectures supplémentaires (et plus intéressantes).

  • Voir l’espoir dans une situation de désespoir

L’Apocalypse est un livre qui s’adresse à des chrétiens persécutés qui pouvaient être tentés de lâcher la foi ou faire des compromis. Apocalypse est un mot veut dire révélation ou dévoilement Jean leur révèle alors les coulisses de l’histoire. Une histoire où Dieu règne même si les apparences peuvent donner l’impression du contraire. Le dragon, les bêtes, Babylone et la prostituée peuvent faire du mal aux chrétiens mais au fond, ce sont des loosers, ils ont perdu d’avance. Ce n’est qu’une question de temps avant que Dieu ne soit totalement victorieux et fasse disparaître le mal. Alors autant persévérer et être dans le camp des vainqueurs.

  • Des symboles tirés de l’Ancien-Testament

L’Apocalypse, est un livre un peu codé, il y a des symboles mais ils ne sont pas sortis du chapeau de Jean, ils sont sortis de l’Ancien-Testament. La bonne nouvelle, c’est qu’on est armé pour les décoder. La mauvaise, c’est qu’il faut bien connaître l’Ancien-Testament.

Par exemple, l’ange décode explicitement les chandeliers dans Ap 1.20, on sait que c’est l’Église. Cette image vient bien sûr de l’Ancien-Testament, le chandelier est un des éléments central du temple. Dans Zacharie 4, il est utilisé pour symboliser le Temple qui est souvent compris comme une préfiguration de l’Église dans le Nouveau-Testament (cf 1 P 2.4-10).

Globalement, l’Apocalypse est une synthèse de l’ensemble de la prophétie de l’Ancien-Testament, rien que ça.

  • Des 7, partout !

Sept est un chiffre prisé dans la Bible en général, dans l’Apocalypse en particulier. On le retrouve partout ! Vraiment partout. Par exemple, il y a 7 béatitudes dans l’Apocalypse (1.3 ; 14.13 ; 16.15 ; 19.9 ; 20.6 ; 22.7, 14). C’est le chiffre de la perfection ou de la totalité. Ainsi, derrière les 7 Églises, on se doute que le livre s’adresse, en fait à toutes les Églises.

Le chiffre 7 sert également à structurer le livre. Puisque l’Apocalypse est composée de 7 séries de 7 éléments. On voit d’abord 7 Églises (ch. 2&3) puis 7 sceaux (ch. 4 – 8.1) etc. Voici un schéma qui résume ce plan : http://www.creusonslabible.fr/?p=4909. Ce plan suggère que l’Apocalypse nous révèle une réalité multi-facettes, sous différents angles de vue : il y a le point de vue des sceaux, le point de vue des trompettes, le point de vue des signes etc.

On retrouve aussi d’autres nombres : le 12 (les tribus et les apôtres), 1000 le nombre de l’immensité, 6 (7-1, on essaie d’atteindre la perfection mais on n’y arrive pas). Et aussi des combos, 144000 c’est 12x12x1000, on peut y voir la multitude du peuple de l’Ancienne et de la Nouvelle alliance.

Conclusion : Dieu règne

Au cœur de la question du millénium, il y a la question du règne de Dieu. Avec Jésus, le Royaume de Dieu s’est approché (Mc 1.15), il est présent (Lc 17.20-21) mais il n’est pas encore là dans sa totalité : « que ton règne vienne » (Mt 6.10). Le Royaume est déjà là mais pas encore totalement là. Beaucoup d’avis divergent sur le déroulé futur exact mais tout le monde est d’accord que le Royaume final dans la nouvelle création vient, c’est bien là l’essentiel et c’est ce que, fondamentalement l’Apocalypse annonce.

Pierre Leray, Coordinateur Régional des GBU en Île de France

1 Certains ont parfois du mal avec le principe d’interpréter l’Écriture : « La Bible, c’est la vérité, ça ne s’interprète pas ! ». Mais, interpréter, en gros, c’est comprendre un texte. Sans nier, que la Bible est la vérité, encore faut-il la comprendre ! J’utilise donc grosso-modo interpréter et comprendre comme des synonymes dans cet article.

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