Le langage de la prophétie : dire le futur avec le présent

Mais quand va-t-on parler de l’aspect « prédiction » des livres prophétiques ? Et bien maintenant, pardi !

Avec la première série d’articles pour comprendre les livres prophétiques, nous nous sommes attardés sur le « maintenant » du prophète. C’est-à-dire comment un prophète s’adresse à ses contemporains. Mais il est aussi vrai que ce que proclament les prophètes a une portée qui dépasse celle de leurs premiers lecteurs. Le rapport du prophète avec le futur, comment ça marche ?

Sommaire de la série

Première partie : le « maintenant »
Deuxième partie : le « tur-fu »

Une connaissance fragmentée du salut

Pour commencer, je m’adresse à toi, bien cher lecteur. Comment imagines-tu le fonctionnement d’une prophétie ? Dieu veut communiquer un message au travers d’un prophète, comment s’y prend-il ? On imagine souvent la prophétie comme un service postal. Dieu écrit une lettre à destination des hommes et il va la confier à son prophète-postier qui est alors chargé d’acheminer le courrier aux bons destinataires. Mais dans cette vision des choses, le prophète n’est pas acteur dans la rédaction du message. Il est un simple convoyeur de message. Or la Bible nous présente l’activité des prophètes sous un tout autre jour. Il est maintenant temps d’invoquer le texte de 1 Pierre 1.10-12 (cliquez donc ici pour le lire).

Dans ce texte, Pierre encourage ses lecteurs qui font l’objet de persécutions en leur rappelant qu’ils sont l’aboutissement de siècles d’histoire et de prophéties car ils bénéficient du salut annoncé depuis des siècles sous l’inspiration de l’Esprit.

Ce qui est surprenant dans ce texte, c’est que Pierre présente l’activité des prophètes comme une « investigation », un travail de recherche, d’enquête sur la base d’indices donnés par le Saint-Esprit, pas comme une simple révélation. L’apôtre souligne qu’ils ont reçu des « indications »  et par conséquent les prophètes n’ont qu’une connaissance fragmentée du Salut à venir. Leur investigation porte sur le « quand » et le « comment » de ce Salut. Que savent-ils ? Que ce salut n’est pas pour maintenant. Ils savent qu’il y a un Salut, un Messie, des souffrances et de la gloire. Maintenant, vas rédiger 66 chapitres avec ça ![1] Cependant les indications reçues ont suscité la curiosité des prophètes et entraîné une démarche volontaire de recherche, ils voulaient en savoir plus. C’est ce travail de recherche qu’ils ont publié. Bien sûr, le travail de recherche est autant inspiré par le Saint-Esprit, que les révélations reçues. De sorte que l’auteur humain est pleinement l’auteur de son livre et le Saint-Esprit est aussi pleinement l’auteur du livre.

Mais le fait que l’auteur humain est à la fois pleinement l’auteur et qu’il n’a qu’une connaissance fragmenté du salut va avoir des conséquences sur la manière de comprendre le livre. Et là, mettons-nous un instant à leur place. Comment raconter les révélations qu’on a reçues sachant qu’on sait très bien qu’on ne sait pas tout, ni quand ni comment ? Alors comment investiguer ? Comment chercher et surtout comment le dire ?

Comment réfléchir au Salut ?

Pour stimuler leurs recherches, les prophètes ont à leur disposition plusieurs axes de réflexions :

  1. Le passé

Les prophètes connaissent leur histoire et c’est plus qu’une bonne source d’inspiration pour tirer des leçons du passé. Car dans le passé Dieu a agi et sa manière d’agir reflète son caractère. De plus s’il a agi d’une certaine manière dans le passé, il peut agir à nouveau de manière similaire dans le futur.

  1. Le présent

Leur connaissance de Dieu, leur conviction de sa souveraineté permet aux prophètes de décoder les actions de Dieu dans les événements qui leurs sont contemporains. Ils peuvent alors dresser des parallèles ou des points de divergences entre le présent et le futur.

  1. Les révélations antérieures

Ils ont également accès aux révélations antérieures. Les prophètes ont exercé leur activité sur plusieurs siècles. Ils se sont cités, appuyés les uns sur les autres. Ils peuvent ainsi compléter et développer les thématiques de leurs prédécesseurs.

  1. Les institutions d’Israël

Dieu a établi des institutions en Israël pour que le pays puisse fonctionner de la meilleure manière : la royauté, le temple avec prêtres et les sacrifices, les sages, etc. Ces institutions ne sont pas simplement fonctionnelles mais porteuses de sens. Elles indiquent le projet de Dieu pour son peuple à travers son organisation.

Comment annoncer le salut ?

Les prophètes vont donc utiliser ces éléments qu’ils ont sous les yeux, qui constituent leur vision du monde pour raconter le Salut qu’ils ont « entre aperçu ». Ils vont transformer cette vision du monde en y incorporant les indices de Salut reçu et ensuite raconter cette vision du monde renouvelée. On aboutit donc à une annonce du Salut qui est profondément marquée par le temps et le monde du prophète.

C’est un peu comme la Science-Fiction. Les auteurs imaginent le futur mais cette imagination est fortement marquée par le présent de l’auteur, le langage, le visuel et les problématiques contemporaines. Par exemple, le futur raconté en 1989 dans retour vers le futur II paraît à nos yeux très « kitch » tellement il est coloré du style des années 80. Les prophéties sont un peu la même chose, à ceci près qu’elles sont inspirées du Saint-Esprit et donc vraies.

Qu’est-ce que ça donne en pratique ? Voici quelques exemples :

  1. Le passé

Les prophètes vont régulièrement présenter les événements à venir comme une répétition du passé, mais en mieux.

Ésaïe, au chapitre 40, présente la délivrance à venir comme un nouvel Exode en plus spectaculaire à travers le thème de la traversée du désert.

Ézéchiel 36.11 : « Je multiplierai sur vous les humains et les bêtes : ils se multiplieront, ils deviendront féconds ; » présente les bénédictions liées au retour d’Exil avec un vocabulaire qui rappelle le récit de la création, donc il présente l’œuvre de Dieu comme une re-création.

  1. Le présent

Les prophètes peuvent faire écho aux événements du présent et rebondir dessus pour annoncer l’avenir. Joël (ch. 1&2) présente une invasion de sauterelle comme un jugement de Dieu et réutilise l’imagerie des sauterelles (ch. 3&4) pour annoncer le fameux « Jour du Seigneur ». C’est une manière de dire : ce que vous venez de souffrir avec les sauterelles, la dévastation des récoltes et la famine, c’est de la gnognotte par rapport au jugement final de Dieu.

Dans la vision du temple d’Ézéchiel 40 à 46, l’élément décoratif qui revient régulièrement est la branche de palmier. Allusion à l’arbre de vie en Éden ? Certainement. Mais en Éden, c’était un « arbre de vie » pas un palmier. Pourquoi un palmier ? Ézéchiel se trouve à Babylone. Or à Babylone, le palmier est symbole de vie, c’est un arbre de vie. Donc Ézéchiel (ou Dieu qui fait voir à Ézéchiel) utilise une symbolique babylonienne contemporaine pour faire passer son message car Dieu est présent à Babylone aussi et parle à son peuple même là-bas.

  1. Les révélations antérieures

Le prophète Zacharie, un des derniers de l’Ancien-Testament, fait une synthèse des prophètes antérieurs. Dans Za 14.6-7 « il n’y aura ni jour ni nuit, et même le soir la lumière brillera » fait allusion à Ésaïe 60 et dans le verset suivant « des eaux vives jailliront de Jérusalem » fait allusion à Ez 47. Zacharie lie les deux annonces prophétiques en les introduisant par « en ce jour-là »

  1. Les institutions d’Israël

Dans Joël 3.1-5, le prophète annonce un élargissement de l’office prophétique à l’ensemble du peuple là où il était réservé à certaines personnes. Il utilise l’extension de cette institution pour parler de la généralisation de l’œuvre de l’Esprit dans le peuple qui permet d’accéder au Salut !

Ces exemples ne sont qu’un rapide aperçu du langage qu’utilisent les prophètes pour annoncer le Salut qu’ils ont aperçu. Ils ont fait preuve d’une créativité extraordinaire pour permettre à leurs contemporains d’entrevoir à leur tour ce Salut qui n’était pas encore pour eux. Ils ont pu ainsi ravigoter l’espérance des croyants de leur temps dans ce Dieu Maître de l’histoire, du passé, du présent et du futur.

Lire les prophéties après Jésus-Christ, c’est aussi apprendre à y discerner l’œuvre de Dieu dans le temps. C’est y voir les traces d’un Dieu pédagogue qui a placé les indices de ce qu’il allait faire et dont nous pouvons bénéficier maintenant.

[1] Ésaïe l’a fait, mais c’est un ouf.

You may also like...

1 Response

  1. Nkono dit :

    Merci pour l’enseignement

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *